Comment faire pour faire croire à notre Kodiak canadien que tout va bien?
Victime des changements climatiques produit par l'homme, cet ours se repose sur la point du iceberg. Il doit être à bout de souffle d'avoir à nager autant et terrorisé de mourir noyer à bout d'énergie. Il est convaincu, et la situation est très convaincante n'est-ce pas, qu'il est en danger de mort.
Comment pourrait-on le faire changer d'idée et lui redonner confiance en l'avenir et en ses chances de survivre?
Notre ami, même s'il est en danger, ne va pas nécessairement mourir, mais il y croit tellement fort que pour lui, la mort est une certitude. Il est plus que convaincu puisque la saison dernière, alors plus jeune et en santé, il avait failli mourir noyé et il s'était réveillé sur une banquise sans savoir d'où il venait. Il vit un paradigme très fort qui lui fait croire qu'il va mourir.
J'aimerais attirer votre attention sur sa conviction. Il est convaincu parce qu'il y croit très fortement et cette croyance est soutenue par des faits passés. Mais ça reste une histoire de croyance et dans l'histoire de l'humanité les croyances ont été sources d'affrontement majeur et des grandes guerres. Depuis toujours les gurus, prêtres et chamans ont toujours eu énormément d'influence sur les populations grâce à leur croyance. On peut donc dire que si ces leaders charismatiques ont su canaliser l'énergie de ces populations en utilisant leurs croyances, on pourrait, nous aussi tenter d'avoir un effet sur les croyances de quelqu'un et initier un changement de paradigme.
Pour y arriver, on doit induire un doute. Le doute vient créer une brèche dans la forteresse de la croyance et s'il est alimenté, peut ébranler cette structure si convaincante dans laquelle notre ours se trouve. Si on poursuit l'alimentation de ce doute, on finira par faire changer l'ours de point de vue et lui redonner espoir. Cet effort d'alimenter continuellement le doute s'appelle l'induction.
L'argumentation
En physique, pour induire, il faut fournir une quantité d'énergie suffisante pendant une période de temps assez longue et toujours dans la même direction pour créer un mouvement ou un changement.
Pour notre ours, l'induction doit se faire exactement de la même manière. On avance une proposition raisonnable que doit accepter notre ours. C'est cette proposition initiale qui crée le doute dans sa croyance. On doit arriver avec un changement complet de perspective ou un nouveau point de vue. Quelque chose que notre ours ne connaissait pas ou qu'il n'avait pas pensé. Pour notre ours, ça pourrait être: "Plus la calotte glacière diminue, plus l'eau sera chaude et plus il y aura de poisson et nécessairement plus de phoques dans l'océan Arctique". En proposant cette nouvelle idée à l'ours, il pourrait se dire qu'au fond il n'y a pas que du mauvais dans ce réchauffement climatique, il pourra bénéficier d'une plus grande quantité de nourriture.
Ensuite, une fois que le doute raisonnable est installé chez notre ours, on poursuit avec d'autres arguments qui vont dans le même sens mais qui feront en sorte de répondre aux inquiétudes de notre mastodonte blanc. C'est de cette manière que nous enforcissons la prémisse qu'il s'est proposé à lui-même. On pourrait lui proposer: "D'ailleurs, tu n'as qu'à observer la présence des baleines. Elles sont là pour la nourriture elles aussi". On pourrait utiliser toutes sortes de statistique, de citation ou d'exemples comme: Les manchots d'antarctique profitent déjà des bienfaits du réchauffement pour couver leurs œufs avec moins de risques. Il faut poursuivre l'alimentation de ce doute raisonnable.
Il faudra cependant être à l'écoute de ses inquiétudes. C'est important de les écouter pour réussir à le faire changer de perspective et finalement lui redonner l'espoir de vivre. Plus on connaitra notre interlocuteur plus on sera en bonne position pour lui proposer des éléments qui seront motivants et efficace pour lui.
On pourrait aller plus loin, si on sait que notre ours a la fibre entrepreneuriale en lui disant qu'il aura de plus en plus de navigation commerciale et qu'il pourrait tirer profits de et percevoir des impôts pour le passage dans ses eaux. Vous voyez ce que je veux dire.... Il pourra ainsi prendre des vacances dans le sud à chaque année!
L'ours polaire existe aussi dans nos bureaux. Je vais vous raconter une petite histoire qui a permis ce genre de changement de paradoxe: Un patron plutôt fâché qu'une dizaine de ses employés soient en retard à la réunion de groupe hebdomadaire, semaine après semaine, faisant perdre du temps aux autres qui eux sont à l'heure. Un jour il proposa de mettre un pot où les retardataires devraient mettre 2$ pour chaque retard. Il voulait ainsi les encourager à arriver à l'heure. N'étant pas d'accord avec ce système un employé du groupe décida de le faire changer de point de vue. Son premier argument (le plus important) fut une simple question: "Que va-t-on faire avec l'argent ainsi accumulé au bout de l'année"? Le patron répondit qu'il se servirait des fonds pour payer une partie d'une fête pour le groupe. Le deuxième argument de l'employé fut: "Donc, plus on est en retard plus on aura d'argent pour faire la fête". Ce changement important de paradigme sur le fondement même de l'idée, fut la fin de ce projet pour contrôler les retards.
L'induction du changement implique d'une certaine manière de la manipulation mais sachez que tout est une question d'intention.
Voici les 3 étapes de l'induction:
- Créer un doute raisonnable grâce à sa capacité à voir ce qui n'est pas là (créativité & imagination).
- Écouter les inquiétudes grâce à sa sensibilité et à sa capacité à se projeter (imagination et sensibilité).
- Renforcer sa position assez fort et assez longtemps grâce à sa capacité à être convaincant et à bien transmettre ses idées (argumentation et communication).